Une parole vraiment libre gêne, nous
le savons. C’est le cauchemar des politiques et de leurs chargés de
communication, pour qui un billet d’humeur bien senti publié sur un blog
influent est aussi dangereux qu’un dossier à charge d’Amnesty International.
Une parole vraiment libre se fait beaucoup d’ennemis. Même le peuple, jadis si
éclairé, aujourd’hui si docile, si dompté, n’aime pas voir ses habitudes de
pensée bousculées par une Vérité affichée en fier et nécessaire étendard. Quand
on se donne pour mission d’être un phare dans le brouillard, les vents
contraires soufflent de partout. On se les prend de face, de profil, dans la
nuque, même dans la raie si on est mal assis et que l’on porte une taille de
pantalon trop basse. J’en ai encore fait la triste expérience ce week-end,
alors que mon accès à mes outils de protestation m’a été terriblement et
injustement coupé.
Je venais de terminer un article
entièrement écrit au conditionnel sur la possibilité que dès juin 2014 existe,
dans une Flandre dominée par les fascistes démocrates de la NVA, une incitation
à tarifer la crêpe différement selon que le client soit Flamand ou Anderstallig
(il est bien connu que l’accent tonique sur le mot “pannekoek” est un piège linguistique
capable de débusquer un non-flamand jusqu’au sein d’une classe Berlitz). Je
vous le dis, je vous le hurle : il m’a été impossible, durant plus de 6 heures,
d’ensuite le poster sur les réseaux sociaux. 6 heures, et je ne pense pas que
ce soit un hasard, est la durée minimum d’une arrestation administrative. 6
heures sans Facebook, c’est aussi un véritable goulag numérique et comme
Chalamov dans la Kolyma; le goulag, ça permet en fait de prendre pas mal de
recul. Penser à son rôle, à son combat. Loin du brouhaha ambiant.
Lorsque j’ai fini par rallumer le modem malencontreusement éteint par la
femme de ménage qui avait un peu trop balayé sous le piano, il m’a semblé que
ma réflexion politique belgo-belge de l’instant outré, certes appelée à
rencontrer un score très favorable sur Klout, était en fait assez secondaire
par rapport à la la prise de conscience qu’une parole libre et constructive ne
peut en fait que s’épanouir dans un écrin favorable, loin de tout brouhaha
néfaste. Internet a ses mérites mais le revers de la médaille, c’est cette
liberté qu’ont les contradicteurs, les moqueurs, les puceaux politiques et les
trolls de vous dévier de la la clarté de pensée. Je me suis sentie plus riche,
plus indépendante et plus pertinente que jamais en sortant de mon expérience de
non-accès aux réseaux sociaux. C’est bien pourquoi il me semble opportun de
désormais choisir avec grande attention qui est digne ou non d’intervenir sur
mes espaces d’expression, par extension dans le débat public, et qui a tout à gagner
d’un passage par le goulag numérique. Pour le bien de tous.
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